Un moment extraordinaire
Sophie Thunberg (2011) ©
Il faisait gris dehors, avec un lourd brouillard qui se fondait à la terre. Le seul signal d’espoir venait d’un trou dans le ciel où la lumière du soleil avait coulé, par une fenêtre. Il y avait huit nuits que mes larmes ne cessaient de tomber de mes joues jusqu’aux genoux. Il y avait huit nuits que j’avais perdu ma chaussette préférée. Huit jours d’agonie et de douleur.
Cette chaussette perdue était superbe et bleue comme la mer. Elle brillait comme le Titanic et de la même façon elle était noyée dans l’abîme de la lessive. Elle était de bonne qualité, de Mongolie, et ça m’avait coûté la peau des fesses pour une seule chaussette.
J’aurais dû vendre la chaussette qui me restait, mais on ne peut pas mettre un prix à l’amour. Ce qui était le plus triste dans cette histoire c’était qu’ensemble, les chaussettes avaient l’air de sourire. Ce qui restait c’était une triste chaussette avec une demi-bouche gondolée. J’étais en train de prendre un comprimé qui pouvait arrêter mes cauchemars quand, tout à coup, mon père a ouvert la porte. Il m’a demandé ce que je faisais. « Rien Papa, rien du tout ! C’est la fin de la vie pour moi ! » ai-je dit.
Je me serais tuée, mais à ce moment-là il m’a lancé ma chaussette préférée, que je croyais perdue! Ensuite, les nuages se sont dégagés et la voix de Napoléon Bonaparte s’est adressée à moi, en toute sincérité. Il m’a dit : « Ne perds jamais cette chaussette, Sophie. La France compte sur toi. » J’ai pressé la chaussette contre mon cœur et j’ai promis de la garder de toute ma force. J’ai remercié mon père pour cette renaissance. A ce moment-là, chaussette à la main et le courage d’un ours dans mon cœur, je suis devenue une femme.