Lieux où j’ai dormi
La chambre de mon enfance
Julie Rimerman (2010) ©
Située à Brooklyn, la vieille chambre où j’ai dormi dans mon enfance me semblait confortable et très rose. Au deuxième étage de l’immeuble, les fenêtres donnaient sur la rue bruyante et animée. Je me sentais très heureuse dans cette chambre. Le lit, recouvert d’un doux drap rose, paraissait très grand et prenait presque la moitié de ma chambre. Blancs et légers comme des nuages dans le ciel, les coussins étaient éparpillés sur le lit. De nombreux animaux en peluche recouvraient également le lit et mon préféré était un ours rose et gigantesque aux yeux brillants comme des émeraudes. Je dormais toujours avec lui pendant la nuit. La chambre avait aussi une commode-coiffeuse et une table d’ordinateur sur laquelle je faisais tous mes devoirs. Parfois, mon petit frère jouait dans ma chambre avec moi, et les premières années de ma vie ont été très agréables.
Mon berceau, Lauren Corn (2010) ©
Quand j’étais petite, j’étais forcée de dormir toute seule dans mon berceau. Les barreaux derrière lesquels je refusais de dormir me piégeaient. Chaque soir, c’était la même chose. Malgré moi, j’étais mise dans le berceau où j’étais laissée dans le noir. Sans espoir de m’échapper, je pleurais. Après quelques minutes, personne n’était venu. Mais je ne pouvais pas abandonner, parce que je savais qu’on viendrait. Je savais que mon père viendrait. Précis comme une horloge, mon père arrivait en effet toujours pour me sauver. Il s’asseyait sur le tapis à côté de mon berceau et il se tendait entre les barreaux pour tenir ma main. En tenant sa main, je pouvais finalement dormir. Mon père était là et tout irait bien.
David Raboy (2010) ©
La première porte ouvrirait sur une chambre massive, aux planchers de bois de rose sur lesquels plusieurs chiens courraient parmi mes amis, contents et paisibles, pas seulement parce que cette chambre vient de mes rêves, mais parce qu’il y aurait un équilibre existentiel aussi respecté par les chiens. […] . Plus loin, au pied du lit, mon chien préféré dormirait doucement sur le lit que j’aurais fait pour lui. Aux fenêtres, il y aurait des centaines de photos d’amis, d’aventures, de n’importe quoi, tapissant aussi le mur qui serait normalement couvert par les rideaux, mais j’aime trop la lumière de l’ouest au crépuscule pour les utiliser jamais. Au mur, au-dessus du lit préparé pour la nuit, le ventilateur balaierait ces moments qui s’attardent toujours dans l’air, pour rendre la chambre tranquille pour une fois, au moins jusque ce que je me réveille le lendemain pour recommencer.
Une chambre royale, Victor Morocho (2015) ©
Située le long de l’arrière de la maison au premier étage (deuxième pour les Américains), la grande chambre bénéficierait de la lumière naturelle et de sa propre salle de bain où je jouirais d’un jacuzzi et de toilettes en porcelaine. La lumière naturelle pénétrerait dans la chambre presque toute la journée, quand je me réveillerais, quand je reviendrais des cours, même quand le soleil se coucherait. Des portes en verre ouvriraient sur un balcon ayant vue sur un jardin dont les fleurs seraient de toutes les couleurs ; au milieu du jardin, une fontaine formidable en pierre. Cette chambre aurait un lit immense en en bois, dont la literie serait en coton égyptien, et dont les oreillers seraient aussi grands. Le lit même serait un peu ferme et un peu moelleux, comme si je me couchais sur des nuages. Au plancher de noyer noir, un extravagant tapis turc pourpre. Aux murs, des tableaux classiques décoreraient la chambre et donneraient un air intellectuel. Près de l’entrée, une étagère avec des livres très connus en français, en espagnol et en anglais. Cette chambre royale serait mon échappatoire au monde quotidien, au monde réel, comme cette chambre serait ma prison contre les aventures et les explorations que le monde offre. Ça serait ma chambre jusqu’à ce que je parte.
Lieu inoubliable, Michael La Morte (2011) ©
Une fenêtre restait ouverte au fond de la chambrette dans laquelle une centaine de moustiques à la recherche de leur prochaine victime s’engouffraient avec impatience. Cette fenêtre à carreaux ne ressemblait pas à celles construites d’après une formule moderne, mais semblait plutôt avoir été faite avec soin de telle sorte qu’elle puisse endurer tout élément à toute saison. Les volets étaient plaqués contre le mur, ne servant de barrage que pour un cas urgent. L’air tiède et humide pesait sur chacun des meubles, tout en leur laissant de toutes petites gouttelettes d’eau à la surface. Au coin, un éventail électronique faisait au mieux pour rafraîchir l’espace étouffé de la salle. Au devant, un humble lit de courte longueur bordait l’angle à gauche, créant une petite niche. Accroché sur le mur à droite, un miroir carré réverbérait les rayons légers du soleil tandis que ce dernier se couchait derrière les bâtiments, dans le lointain. Des bruits de motocyclistes résonnaient partout. Tout d’un coup, la sirène fâchée d’une ambulance a accaparé l’air, taisant tous les autres sons de la ville. En plein après-midi à Florence, les habitants commençaient à se retirer chez eux pour préparer le dîner.
La mer, Cena Choe (2010) ©
J’étais à la mer. Les lumières du soleil se réfléchissaient sur l’eau claire comme de l’eau de roche. Etirée sous le parasol blanc, je regardais des enfants en train de construire joyeusement un petit château de sable. Il faisait chaud, et le soleil me pénétrait jusqu’aux os. Il faudrait que je tourne mon corps. Allongée sur le ventre, j’ai laissé tomber mon visage rouge sur mes mains douces. Les yeux bien fermés, je devenais plus consciente de l’atmosphère tranquille. Avec le soleil qui chauffait mon dos et le son de la mer comme berceuse, je me suis endormie dans les bras de la nature.
La baignoire, Anonyme (2010) ©
Entouré par un voile de bulles, mon corps se nichait délicatement dans la baignoire remplie d’eau chaude. Au-dessus de la surface n’émergeait que ma tête, qui se soutenait doucement sur le bord de la baignoire. Les yeux légèrement fermés et les cheveux négligemment noués en chignon, je dormais tranquillement tandis que le temps s’étirait. La vapeur de l’eau créait une sorte de brouillard autour de mon visage, au milieu duquel mes pensées se perdaient. Toute l’expérience était comme un rêve intangible où je flottais, imperceptible, dans le monde.
Dans le hamac, Alena Klompus (2010) ©
Les cordes du hamac n’incisaient pas ma peau, et comme mon poids était réparti également, j’étais à l’aise dans le hamac, enlacée dans les cordes, suspendue entre deux arbres comme un insecte pris dans une toile d’araignée. Les deux palmiers encadraient la jolie vue d’une plage d’Hawaii. Le vent de la mer, le soleil entrant dans les feuilles gigantesques et le bruit de la mer, tout ensemble était une berceuse. Ma sœur m’a donné une petite poussée et le hamac a oscillé comme un berceau d’enfants. Paradis.
La classe, Anonyme (2010) ©
Poussée fortement contre mon dos, la chaise en plastique était austèrement immobile. Puissance majestueuse, la gravité tirait le poids de mon corps vers le bas. Lourde, ma tête était appuyée sur mon poignet tordu. Mes yeux envahis par le sommeil faisaient tout pour lutter contre leur désir de se fermer tout en observant gravement l’horloge, dont l’écran affichait un temps éternel. L’air étouffant imprégnait l’atmosphère et la voix monotone du professeur aiguisait mon besoin de dormir. A la fin, j’ai été conquise par le sommeil et l’image de la classe n’est devenue rien de plus qu’une réflexion inquiétante dans mon esprit.
Anonyme (2010) ©
En regardant l’homme à côté de moi, habillé aussi pauvrement qu’un clochard avec une chemise déchirée et des bottes sans lacets, j’ai été attristée et je l’ai regardé pendant longtemps, pleine de sympathie. Mais lui, il ne m’a pas remarquée. Il ne remarquait personne. Sans mouvement, il regardait ses propres mains. Je me suis rendu compte que cet homme était en train de dormir. En voyant son visage détendu je suis aussi devenue fatiguée et en dépit de la voix machinale qui répétait toujours « Les portes s’ouvrent, reculez! », je suis tombée dans un sommeil profond. Je n’ai plus remarqué les bips, les portes qui s’ouvraient et se fermaient comme des clins d’œil, ni les murmures des bavards du Subway et leurs potins. Cette berceuse a continué jusqu’à ce que je me réveille à Brooklyn, et je me suis rendu compte qu’entre l’arrêt d’Union Square et celui de La Plage de Brighton, mon collègue de sommeil était parti.