Les Trois Courages de Gilbert Cesbron
Ian Hartman (2010) ©
Dans son essai anti-guerre « Les Trois Courages », Gilbert Cesbron illustre méthodiquement et directement pourquoi le pacifisme est une forme d’action (ou de résistance) plus admirable que les autres, et pourquoi il entraîne plus de courage, plus de détermination, et plus de convictions personnelles. Au début de l’essai, il déclare qu’il « n’existe pas qu’un seul courage », mais plutôt « des courages». Puis, il énumère et explique ses catégories : premièrement, il y a le « courage de papier », qui implique l’écriture, la transmission des idées de la psyché au moyen du papier et du stylo. Deuxièmement, il y a le « courage de feu », celui qui entraine le danger physique. Et finalement, il y a le courage le plus valorisé par Cesbron : « le courage de pierre». Ce courage est celui qui nécessite la non-violence, l’acceptation d’être tourné en ridicule et d’être envoyé en prison pour ses idées.
La manière dont Cesbron présente son argumentation ressemble à l’écriture d’une fable ou d’une histoire pour les enfants. Le texte est court, simple, et en somme très facile à comprendre. Cette simplicité est surtout poussée par la qualité imagistique des catégories de Cesbron— encore une fois, on peut les imaginer sous forme d’illustrations dans un livre pour enfants. En effet, le papier est léger, presque loin du monde physique ; il illustre donc le courage le moins fort. À l’opposé, le feu brûlant est fort ; il conquiert tout avec sa formidable force physique (y compris le papier, significativement). C’est donc le symbole du courage le plus physique, le plus violent. Finalement, la pierre est dure, stable, voire infinie. Alors que le papier peut être déchiré, alors que le feu peut être éteint, la pierre subsiste, sans aucun changement, sans aucun mouvement. Peut-être que le feu peut brûler la surface d’une pierre, mais son cœur survit—comme les grandes idées survivent à la violence, même si le corps est cassé. C’est la raison pour laquelle la pierre est le symbole des « convictions non violentes » : Cesbron veut dire que ces convictions sont les plus solides et les moins susceptibles d’être influencées par des forces externes.
Ensuite, avec beaucoup de concision, Cesbron explique pourquoi le courage de pierre est si admirable, pourquoi le pacifisme entraîne plus de courage que les autres formes. D’habitude, dit-il, la non-violence est associée à « la lâcheté. » Pour beaucoup de gens, elle « [semble] le contraire même du courage». Cesbron attribue cette attitude au fait que notre société est attirée par la guerre et par la violence, qui « [satisfont] bien… [nos] désirs viscéraux». De plus, dans notre société la violence c’est « très flatteur ». Contrairement au pacifisme, la violence est valorisée, et les actes « héroïques » demandant la violence sont récompensés par des médailles. Cette conception de la violence est encore plus renforcée par les « héros des films de violence» — films que tout le monde partout regarde avec plaisir. Les valeurs sont donc enracinées dans notre culture, enseignées à un jeune âge : la violence est admirable. Malgré tout cela, pour Cesbron la non-violence reste « le courage des courages » puisqu’elle n’entraîne pas seulement « le mépris», mais aussi « des risques plus grands que la violence, puisqu’on est désarmé. »
Ni très long ni très détaillé, cet essai sert bien l’argumentation de Cesbron, premièrement en désassemblant la notion de « courage », et puis en montrant comment l’héroïsme associé à la violence est une construction de notre société et de nos « désirs viscéraux». Le ton de ce texte est passionné et poétique, mais l’argumentation est aussi très logique. Pour moi, c’est admirable que Cesbron ait eu la capacité d’écrire quelque chose de si court tout en présentant une argumentation si forte. Son style et sa concision sont aussi louables que ses idées.