Essai inspiré de Voltaire
Lettres philosophiques, Première Lettre, Sur les Quakers
Hanna Novak (2011) ©
J’ai cru qu’une autre perspective sur l’éducation valait la curiosité d’une étudiante. Pour m’instruire, j’ai rendu visite à un ami, éduqué par ses parents à la maison, et qui était en train de finir sa dernière année d’école secondaire. J’ai frappé à la porte, et j’ai été reçue par mon ami en pantalon de pyjamas, une tasse de thé à la main. Même dans cette tenue informelle, c’était clair qu’il était en train d’étudier. Les Misérables dans les mains, le front ridé, il arborait un air sérieux. « Bienvenue, me dit-il, j’ai juste fini une leçon de littérature enseignée par mon père. Maintenant, c’est mon heure de lunch. Puis-je te donner quelque chose à boire ? – Cher ami, lui dis-je, ignorant l’offre qu’il m’avait faite, comment est-ce que tu peux manger ton déjeuner hors d’une cantine, sans avoir des centaines d’autres étudiants autour de toi ? – Mais c’est facile, me répondit-il, je crois que l’absence des jeunes m’aide à mieux me concentrer sur mes études. En plus, je peux manger ma propre nourriture. C’est beaucoup plus sain que les frites et les hamburgers qui sont servis dans les écoles secondaires. Je préfère les sandwichs au thon, le jus d’orange et la salade. »
Je lui ai demandé si je pouvais voir où il travaillait et avait ses leçons. Il m’a emmenée dans une grande chambre où se trouvaient un bureau et un divan, avec plusieurs livres couvrant les murs. « Mais comment, interrogeais-je, peux-tu faire ton travail sans être serré entre un pupitre et une petite chaise ? N’est-ce pas inconfortable ? – Non, me dit-il, c’est bien mieux de travailler dans un environnement plus ouvert que dans une petite salle d’école. Moi et ma famille pensons que je produis un meilleur travail quand je peux bouger un peu et ne suis pas comprimé dans un petit espace. Souvent, je pense à mes livres et à mes essais en marchant dans la maison, et même parfois dehors. – Dans mon école secondaire, lui dis-je, on ne peut pas aller dehors. Il y a des fenêtres dans chaque salle, mais la vue est bloquée par des barres en métal. Ça me fait plutôt penser à une prison qu’à une école. Même quand il fait beau, les étudiants sont requis de rester dans ces petites salles de classe. Souvent, je ne peux pas me concentrer car je veux travailler dehors pour profiter de la vue que mon école nous empêche de voir. »
Traversant la salle, en regardant tous les livres aux murs je lui ai demandé quels cours il prenait à l’école. « J’apprends la littérature française avec mon père. Pour le syllabus, on consulte un ami de la famille qui est professeur de langue française à l’Université de Columbia. Puis, comme ma mère est avocate, je l’aide avec plusieurs de ses cas. Cela fait partie d’un cours qui examine la justice et les tribunaux aux Etats-Unis, et qu’elle me fait étudier. – Et qu’est-ce qui se passe, ai-je dit, lorsque tes parents ne sont pas experts dans tous les sujets qu’il faut apprendre ? – Mes parents, me répondit-il, prennent souvent des cours à l’Université et lisent beaucoup de livres pour mieux m’aider à étudier des sujets divers. L’éducation est un moyen d’acquérir sa liberté ; ma famille pense que j’ai le droit d’apprendre ce qui m’intéresse, et elle m’aide à maîtriser cela. Et dans l’environnement qui me convient le mieux, en plus. »
Je suis rentrée chez moi peu de temps après, stupéfiée par ce que j’avais vu. Comment est-ce que nos parents pouvaient être nos professeurs ? Comment un chez-soi pouvait-il servir d’école ? Ma propre éducation et la sienne étaient différentes, mais dans l’ensemble, nous étudions tous deux une variété de sujets ; nous étions liés par notre curiosité et notre envie d’apprendre. C’est en retournant à l’école – le jour après ma conversation avec mon ami – que j’ai senti, à nouveau, la vaste distance entre lui et moi. Assise en classe, regardant la journée ensoleillée par la fenêtre de la salle, je souhaitais pouvoir penser à mes livres et à mes essais dehors.